Sciences humaines et sociales > Accueil > Technologie et innovation > Numéro
L’innovation apparait par ailleurs comme étant la meilleure solution pour faire face aux grands problèmes contemporains auxquels les sociétés actuelles sont confrontées et au rang desquels figurent le réchauffement climatique, le vieillissement de la population, la raréfaction des ressources etc. Ce numéro spécial est structuré en trois temps. Dans un premier temps il revient sur l’histoire des concepts de culture technique et culture d’innovation et de leur diffusion dans la société. La deuxième partie illustre ces concepts au travers l’histoire d’objets particuliers, celle du vélo et du
numérique. La dernière partie de ce numéro est quant à elle centrée sur l’action et présente d’une part ce que recouvre la culture d’innovation dans les organisations et, d’autre part la culture technique comme enjeu de formation.
Toute culture technique se compose d’éléments de langage, vocabulaire et/ou technolecte, et d’un faisceau de pratiques sociales qui détermine un habitus technique. Et toute communauté de métier possède sa culture technique. Les formes en diffèrent toutefois selon le régime d’appropriation de la technique autour duquel chaque communauté se structure : oralité et symbolisme technique pour le régime de la pratique, traité technique et symbolisme mathématique pour le régime de la technique, conception assistée par ordinateur et analyse systémique pour le régime de la technologie. Historiquement, l’objectivation de la notion de progrès, quoique présente dans le régime de la pratique, s’est effectuée au XVIe siècle, alors que le régime de la technique prenait une ampleur jusque-là inégalée. Mais sans déboucher sur une culture d’innovation. Celle-ci s’instaura en Europe, à la fin du XIXe siècle, avec la seconde industrialisation, à partir de cette culture « tableau de bord » (O. Barfield), mélange d’idéologie scientiste et progressiste qui fonde la co-activité dans les sociétés industrielles.
Nous vivons dans une société artificielle et curieusement alors qu’on parle abondamment de culture littéraire, culture scientifique, culture numérique voire de culture artistique on ne peut que déplorer l’absence d’une culture technique. Ce constat n’est pas nouveau. Il fut largement débattu dans les années 1980 mais un constat s’impose malgré la richesse des propositions : la culture technique demeure la grande absente de notre quotidien et des discours politiques. Après avoir précisé ce que l’on entend par culture technique, la présente contribution s’interroge sur les raisons qui expliquent qu’une telle culture peine à se déployer. Ce faisant, elle souligne que la culture d’innovation fait écran à la culture technique.
En 1817, au lendemain des révolutions européennes, le vélo est né, en Europe du Nord, d’un désir de vitesse et d’efforts pour « gagner du temps ». D’abord en bois et mu par les pieds du cycliste, il connaîtra un siècle de perfectionnements, avant de commencer à ressembler à celui que nous utilisons aujourd’hui, sur des routes ou dans des rues, elles-mêmes transformées. Pour des usages assez différents d’un pays à l’autre, et pour des usagers de plus en plus divers.
Il demanda apprentissage (équilibre), apprivoisement (cultuel) et accommodation (vertiges). Souvent, son évolution fut conflictuelle, entre la fascination de Proust pour les jeunes filles cyclistes et la véhémence antiféministe des traditionnalistes. Largement diffusé en milieux populaires, il faillit disparaître face aux véhicules motorisés (années 1960), avant de renaitre aujourd’hui et de continuer à se transformer pour de nouveaux usages… face à la voiture.
Cette contribution s’attache à montrer l’importance de la culture technique à l’heure où le numérique s’insère dans nos habitudes quotidiennes. Elle part du constat que la technologie et l’innovation n’ont pas une place suffisante dans notre culture contemporaine, et notamment dans la formation des techniciens et ingénieurs. Pour pallier cette lacune, l’auteur propose une méthode d’analyse partant de l’objet technique et croisant deux dimensions complémentaires : celle de l’évolution des objets eux-mêmes et celle de la place des innovations dans le temps long de l’histoire. Les quelques exemples proposés visent à illustrer cette innovation en train de se faire et les moyens de
l’enrichir.
D’un point de vue macroéconomique, il y a consensus quant à la nécessité d’innover. En France, les organisations concentrent leurs efforts d’innovation essentiellement sur la R&D, alors que d’autres stratégies sont plus efficaces. Cette situation peut être liée à la nature des indicateurs et des incitations à l’innovation, centrés sur les investissements réalisés plutôt que sur la performance. Pour innover, une tendance récente propose de développer une culture favorable. Nous proposons donc une modélisation de la culture d’innovation dans les organisations, structurées autour de cinq dimensions. Les trois premières dimensions font référence aux gens : managers, équipes et individus innovants. Les deux autres sont d’ordre plus philosophique : d’une part le contexte organisationnel favorable, d’autre part la multiplicité et la facilité des relations avec l’environnement. Une organisation, en fonction de sa culture, peut intégrer le discours étatique sur l’innovation de différentes façons : comme l’énoncé d’une valeur organisationnelle déjà intégrée, comme une contrainte vitale, ou comme une injonction paradoxale.
Cet article questionne les relations entre culture technique et culture de l’innovation pour revenir sur le rôle central de l’activité de conception en contexte de formation. Le constat soulevé par Simondon [SIM 89] au sujet de la culture excluant la technique pointe également cette fascination qu’exercent les objets techniques au quotidien. La culture technique, incomprise et exclue, laisse la place à une carence qui se manifeste par une absence de son enseignement dans nos systèmes de formation. La culture de l’innovation, nous renvoie quant à elle à nos cultures industrielles et post-industrielles qui nous entraînent à une recherche obstinée de la nouveauté à travers cette destruction créatrice qui pousse à l’obsolescence pour mieux assurer l’avènement du nouveau. La recherche de la nouveauté prend ainsi deux formes caractéristiques : l’innovation radicale (plus ancienne) et l’innovation incrémentale plus récente, plus répandue, plus éphémère, plus facile à manipuler, plus séduisante à court terme et qui caractérise une tendance de la modernité tardive. Pour dépasser cette double impasse d’une culture technique absente des formations et d’une culture de l’innovation réduite à une innovation incrémentale caractérisée par une frénésie du changement à court terme, nous proposons la mise en oeuvre d’une didactique de la conception. Ainsi, cet article se concentre sur les effets de l’activité de conception dans le cadre de la production d’objets techniques en contexte de formation et en contexte scolaire.
2024
Volume 24- 9
Les filières de production dans la bioéconomie2023
Volume 23- 8
Intelligence artificielle et Cybersécurité2022
Volume 22- 7
Trajectoires d’innovations et d’innovateurs2021
Volume 21- 6
L’innovation collaborative2020
Volume 20- 5
Les systèmes produit-service2019
Volume 19- 4
L’innovation agile2018
Volume 18- 3
Innovations citoyennes2017
Volume 17- 2
Innovations de mobilité. Transports, gestion des flux et territoires2016
Volume 16- 1
Stimulateurs de l’entrepreneuriat innovant