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La « recherche responsable » s’est désormais imposée à l’activité scientifique comme génératrice de nouvelles trajectoires de « progrès » dans le but d’atteindre les objectifs fondamentaux du développement durable (environnement, santé, éducation, emploi, etc.). Si dans un premier temps, la responsabilité de la recherche et des chercheurs était concentrée sur le transfert et la valorisation de connaissances dans l’économie concurrentielle, les problématiques sociales, sociétales et environnementales ont donné une nouvelle perspective à la conception, au déroulement et à la valorisation des programmes de recherche scientifique. Les auteurs de ce numéro de Technologie et innovation discutent de cette tendance vers la responsabilité et la mise en oeuvre des stratégies de développement durable par les institutions de recherche, en référence à des expériences concrètes en France.
Nos étudiants sont en quête de sens, veulent être utiles… autrement dit, évoluer dans une Université responsable ! Mais de quoi s’agit-il exactement ? Cet article s’articule autour de deux points principaux. Dans un premier temps, il revient sur la question du Pourquoi d’une Université responsable. Les établissements d’enseignement supérieur sont incités à revoir leurs formations, leurs outils et leurs discours pédagogiques pour répondre aux enjeux induits par la transition écologique et la transformation numérique. Le défi pour l’Université est alors de développer l’employabilité d’étudiants de plus en plus engagés dans la société, ce qui implique une tolérance à l’imperfection et une nouvelle relation au temps. Dans un second temps, il développe le Comment d’une Université responsable autour de l’idée d’un nécessaire engagement des acteurs en faveur d’innovations durables inspirées du DD&RS, tant en interne qu’en société. L’École des Mines de Saint-Étienne est pionnière sur ces questions avec la création, dès 1991, d’un centre de formation et de recherche dédié à ces sujets, et la mise en place, dès 2005, d’une délégation au développement durable et à la RSE. Le fruit de cette politique volontariste depuis 30 ans au quotidien avec les étudiants, alumni, personnels et partenaires sur les deux campus de l’École des Mines de Saint-Étienne se traduit notamment par son classement THE (Times Higher Education IMPACT) qui référence les établissements d’enseignement supérieur mondiaux selon les 17 ODD de l’ONU.
La persistance du sous-développement a amené l’université africaine à interroger et repenser sa responsabilité sociétale depuis la crise économique mondiale des années 1990. Il en est le cas au Cameroun où l’Indice de Responsabilité Sociétale des Universités (RSU) reste toujours faible conformément au constat fait à l’université de Douala (IRSO = 0,4), la plus grande du pays. Certaines innovations de la RSU sont tout de même observées. La recherche responsable expérimentée dans le Projet d’élaboration d’une Stratégie de Sécurité Alimentaire dans la ville de Douala (Projet SYSTALDO), constitue l’une de ces innovations du partenariat Université/Municipalité. La pertinence de l’Indice du Système d’Innovation en Quintuple Hélice (ISIQH = 0,64) dans la mise en oeuvre de ce projet démontre une amélioration non négligeable de la contribution de l’université de Douala au développement local. La vulgarisation de cette innovation en quintuple hélice souffre cependant de l’absence d’un dispositif incitatif et coercitif. Une Politique Nationale de Recherche Responsable (PNRR) favoriserait une meilleure valorisation de cette innovation par les collectivités territoriales dans la « municipalisation » du développement national.
Les changements de perceptions et d’attentes des sociétés concernant la recherche agricole, et l’ampleur des défis qu’affrontent les sociétés en développement imposent des évolutions à un organisme de recherche tel que le Cirad. Les évolutions entreprises sont de natures institutionnelles, épistémologiques, axiologiques, scientifiques et opérationnelles. Elles supposent la prise en compte de la diversité des acteurs sociétaux, la double redevabilité Nord/Sud et les productions du Cirad. L’établissement pose plusieurs fondations aux évolutions : 1/ la prégnance des défis, qui posent la question d’une science capable de les relever, de générer et d’accompagner les processus d’innovation requis, 2/ le mandat de recherche finalisée, 3/ les valeurs, et trois piliers d’action : exemplarité, ouverture, engagement pour le développement durable. Ce dernier pilier est particulièrement développé car il relève du coeur de métier du Cirad, et y fait l’objet d’évolutions marquées : l’action publique, les recherches participatives, la contribution à des impacts sociétaux et leur évaluation.
Les contradictions de notre modèle de développement nous poussent à imaginer de nouvelles formes de prospérité. Le monde de la recherche associé à l’enseignement supérieur est un domaine pertinent pour penser les transformations vers des modes de vie plus soutenables. Ainsi, l’activité scientifique contribue aux innovations au travers d’une grande diversité de modèles d’interaction avec la société. Nous nous intéressons aux formes de coopération directes entre les acteurs de la recherche, et les populations et leurs territoires. La démarche de Recherche Action Participative est une voie intéressante que nous analysons au travers de six exemples d’accompagnement menés entre 2016 et 2019 au sein de la Boutique des sciences de l’Université de Lille. Nous prolongeons la réflexion en confrontant a posteriori les thèmes traités dans les projets avec ceux communément énoncés dans le champ de la recherche et de l’innovation responsable.
Cet article a pour objectif de comprendre l’institutionnalisation des recherches participatives à travers une approche généalogique. Pour ce faire, je mobilise le concept de champ d’action stratégique fondé par Fligstein et McAdam [FLI 12] à partir des théories de l’action collective. Dans une première partie, je dresse une analyse socio-historique du champ de la recherche participative. Dans une deuxième partie, je propose quelques éléments d’analyse de l’agence de deux acteurs stratégiques, le tiers secteur de la recherche et les pouvoirs publics. Selon Fligstein et McAdam, la capacité des acteurs à construire une identité et à partager des objectifs communs conditionne la trajectoire d’un champ d’action stratégique. Le tiers secteur est dominé par le champ associatif, lequel est fortement lié à celui de l’éducation populaire et à l’État. Les grandes associations d’éducation populaire ont progressivement occulté leurs activités de recherche. D’autres associations plaident pour la reconnaissance de leurs activités de recherche. La transformation des politiques publiques de recherche et d’innovation sera décisive pour l’évolution du champ et de ses relations avec celui des recherches académiques.
Les nouvelles préoccupations en matière de développement durable, ainsi que l’évolution des technologies induisant des impacts négatifs sur la Société ont fait émerger aujourd’hui de nouvelles réflexions. La « responsabilité » sociale de la Science est questionnée et des mécanismes de sa gouvernance sont posés et articulés à travers le champ analytique de l’innovation responsable. Dans cet article, nous présentons un cadre d’analyse permettant de comprendre les contours de cette notion d’innovation responsable. Ce cadre a été développé en articulant un ensemble d’approches définissant les formes que peut prendre l’innovation responsable, les dimensions qui caractérisent ses processus, les acteurs qui y sont associés ainsi que les résultats engendrés par ses processus. Une confrontation au cas de l’association scientifique du Réseau de Recherche sur l’Innovation nous fournis de premières observations sur la mise en pratique de l’innovation responsable. Une réflexion sur les limites de cette approche analytique nous amène à réfléchir à deux nouvelles pistes d’évolution.
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Volume 24- 9
Les filières de production dans la bioéconomie2023
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Trajectoires d’innovations et d’innovateurs2021
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