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Cet article propose quelques réflexions en guise d’introduction au dossier Invention et histoire des techniques qui compose ce numéro de Technologie et Innovation. Il présente quelques-uns des concepts et des enjeux qui ont marqué l’évolution de l’historiographie de la question au cours des cinquante dernières années.
À la fin du XIXème siècle parait le journal La Fronde qui portera une attention particulière aux sciences et techniques de son époque. Le journal de Marguerite Durand publiera même des listes de brevets déposés par des femmes. Qui sont ces femmes ? Comment ont-elles pu intervenir sur le terrain de la technique alors que leur éducation et leurs droits les prédisposaient à de toutes autres activités ?
Notre article analyse les raisons et les modalités du développement des recherches sur les piles à combustible en France à la fin des années cinquante. À partir de l’étude de documents d’archives, nous montrons que plusieurs facteurs concourent à leur essor : l’évolution de la technique et la rupture avec les études entreprises en Europe du XIXème siècle aux années trente, entraînée par l’ingénieur anglais Francis T. Bacon ; l’accroissement des préoccupations énergétiques et d’un complexe du retard sur l’étranger après la Seconde Guerre mondiale ; l’intensification du rôle de l’État dans l’orientation des sciences. D’autre part, l’institutionnalisation de la relation entre les milieux militaires, académiques et industriels participe à l’établissement d’un collectif de pensée et d’un réseau social qui conditionnent la forme des recherches.
Au milieu du XVIIIe siècle, le chimiste Macquer découvre que le bleu de Prusse, pigment récemment inventé, peut servir de colorant et teindre en bleu soie et laine. Mais il n’arrive pas à provoquer l’intérêt des teinturiers. Trente ans après, le projet est repris par Le Pileur d’Apligny, qui n’arrive pas à de meilleurs résultats. Il faut attendre encore trente années et le Blocus continental pour que cette innovation soit jugée stratégique et digne de remplacer l’indigo qui n’arrive plus des colonies. La teinture au bleu de Prusse entre dans sa phase industrielle avec les Raymond père et fils. Elle remporte un grand succès par la beauté des bleus obtenus, et tient ce marché durant une cinquantaine d’année. Son déclin est lié à l’apparition des colorants de synthèse dérivés de l’aniline.
Cet article questionne les récits historiques concernant la naissance de différentes éoliennes qu’il s’agisse des moulins de drainage aux Pays-Bas (XVIIe siècle), des éoliennes américaines de pompage (XIXe siècle) et des éoliennes électriques actuelles au Danemark (XXe siècle). Ces multiples naissances et renaissances renvoient à la définition de l’objet technique, au double sens du mot définition : à la fois énonciation de ce qu’est une chose et degré de finesse spatiale et temporelle (comme dans « haute définition » dans le domaine de l’image).
Pierre Bézier est un anti-héros de l’innovation industrielle. Il a été tour à tour l’artisan d’une forme originale d’automatisation, le promoteur en Europe de la commande numérique, puis l’un des fondateurs, à l’échelle mondiale, de l’informatique industrielle. Les « courbes et surfaces » auxquelles il a donné son nom sont aujourd’hui encore massivement utilisées sans qu’au patronyme ne soit associé un personnage et sans relier sa dernière innovation aux deux précédentes, pratiquement tombées dans l’oubli. Le papier propose d’analyser l’échec de la campagne de promotion cinématographique des machines transfert de Renault à la fin des années 1950. Ce cas permet de confronter les schémas de la pensée industrielle d’une époque aux pratiques réelles du terrain usinier. Autrement dit, lorsque la trajectoire de Bézier résiste aux cadres d’interprétations canoniques de l’héroïsme industrielle, l’anecdotique acquiert une valeur historique.
L’injonction permanente à innover pose avec acuité la question de la compréhension du mode d’existence des innovations. Comment émerge en effet les innovations qui façonnent notre monde et nos comportements ? Afin d’apporter des éléments de réponse, cet article revient sur l’histoire d’une innovation marketing à savoir la genèse de la plateforme du bâtiment de Saint Gobain. S’il apparait clairement que la genèse de cette innovation n’émerge pas ex nihilo, l’histoire de la plateforme du bâtiment permet de constater que la forme finale prise par cette innovation n’est pas étrangère à la façon dont les concepteurs ont pris en charge les contraintes inhérentes à tout processus de conception. L’histoire de la Plateforme du bâtiment met par ailleurs en exergue le fait que l’innovation résulte de la mise en oeuvre de deux formes de pensée : la rationalité créative et analytique. Chemin faisant, cet article nous conduit à nous émanciper d’une conception romantique de l’innovation héritée d’une mise en récit magnifiée de la genèse des grandes innovations.
L’innovation prend souvent racine dans l’invention d’une solution originale à un problème donné. Dans le cas du processus d’innovation traité dans cet article, l’histoire commence effectivement ainsi. Des médecins confrontés à un problème de santé, auquel ils peinent à trouver des solutions satisfaisantes, se tournent vers des mécaniciens pour rechercher ensemble une solution innovante, puis en assurer la diffusion. L’article rend compte de la trajectoire de leur coopération. L’article montre que les détours et les innovations inattendues ne sont pas seulement des sous-produits mais qu’elles jouent un rôle dans la dynamique d’innovation dans la mesure où elles contribuent involontairement à préparer la demande pour l’innovation qui était escomptée initialement. L’article contribue ainsi à rendre compte des temporalités complexes de l’innovation et de dynamiques qui sont loin d’être linéaires. Par ailleurs, le fait que les acteurs soient des équipes de chercheurs en collaboration, dont aucun membre n’émerge comme héros de l’histoire, contribue à rendre compte des acteurs souvent laissés dans l’ombre. L’article rend compte de l’épaisseur sociotechnique d’un mode d’existence de l’innovation et la manière dont elles s’insèrent dans un milieu qu’elles ont aussi contribuer à façonner.
Le présent article s’intéresse au vertige identitaire des professions d’ingénieur, et à la science-fiction en tant que voie possible d’ouverture épistémologique face à la crise. Bien qu’elle participe à la construction de l’inéluctable technologique, la littérature de science-fiction peut aussi concourir à son dépassement, tout comme à un véritable pluralisme épistémologique susceptible de questionner la « mise en instrument du social » par l’ingénieur.
2024
Volume 24- 9
Les filières de production dans la bioéconomie2023
Volume 23- 8
Intelligence artificielle et Cybersécurité2022
Volume 22- 7
Trajectoires d’innovations et d’innovateurs2021
Volume 21- 6
L’innovation collaborative2020
Volume 20- 5
Les systèmes produit-service2019
Volume 19- 4
L’innovation agile2018
Volume 18- 3
Innovations citoyennes2017
Volume 17- 2
Innovations de mobilité. Transports, gestion des flux et territoires2016
Volume 16- 1
Stimulateurs de l’entrepreneuriat innovant