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Ce texte introduit la publication de la session Resilience and Landscape : The Use of Resilience Framework in Landscape Archaeology and Archaeogeography organisée par la Commission Landscape de l’Union Internationale des Sciences Préhistoriques et Protohistoriques, dans le cadre du XVIIIe Congrès de l’Union. Elle s’est tenue le mardi 5 juin 2018 à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Au cours de cette session, ont été accueillies sept communications utilisant le cadre conceptuel de la résilience en archéologie du paysage, en archéogéographie et en anthropologie.
L’article traite de l’application du cadre conceptuel de la résilience écologique, à l’étude des itinéraires régionaux, décrits comme des systèmes résilients. Les itinéraires de grand parcours dans le Bassin Parisien ont été étudiés à travers les interactions entre les échelles macro, méso et micro. L’analyse montre qu’une grande partie du réseau français actuel remonte à l’Antiquité. Néanmoins, ce ne sont pas des routes spécifiques qui sont résilientes à travers le temps mais plutôt les itinéraires entre les pôles régionaux. Ils sont constitués de plusieurs chemins et routes qui coexistent, se substituent les uns aux autres ou sont abandonnés puis réutilisés. L’interaction entre les trois niveaux macro, méso et micro, possédant des rythmes différents de changement, favorisent la résilience du système routier dans le temps. L’itinéraire représente l’échelle macro ou niveau large et lent (certains itinéraires peuvent rester actifs depuis 2 000 ans) tandis qu’à la micro-échelle, représentée par la structure matérielle des chemins et des routes, les changements sont beaucoup plus nombreux et fréquents. À l’échelle méso, le tracé des chemins et des routes présente des temporalités non linéaires et apparaît comme un niveau clé pour la résilience des itinéraires avec des possibilités de hiatus, de réutilisation, etc. Les concepts de cycle adaptatif et de panarchie, proposés par C. S. Holling et ses collaborateurs dans le domaine de la Resilience Theory peuvent alors être utilisés pour décrire la dynamique complexe des itinéraires régionaux.
Dans cet article, je souhaite montrer combien il peut être heuristique de rester proche du concept de résilience tel qu’il a été défini par C. S. Holling, lorsque l’on souhaite comprendre la complexité de l’évolution des paysages urbains. Pour ce faire, j’étudie ici le cas du réseau de rues parisiennes durant l’époque médiévale et moderne. Je montre dans quelle mesure ce réseau reste stable sur le long terme tout comme l’est le type d’activités que l’on pratique dans ces rues, alors que dans le même temps, les changements sont très fréquents à l’échelle des bâtiments. Cet apparent paradoxe s’explique par de complexes interactions que le concept de résilience peut aider à explorer. Je montre en effet dans la dernière partie de cet article que chercher le système résilient, qui aboutit à la stabilité du réseau de rues parisien, aide à comprendre quels sont les mécanismes socio-économiques qui sont à l’origine des observations réalisées. Je pose ainsi l’hypothèse que la stabilité du réseau viaire parisien est, entre autres, une conséquence de la résilience du système productif et commercial aux périodes médiévale et moderne : le client achète les produits qu’il souhaite au boutiquier, qui est très souvent impliqué dans leur fabrication et qui peut donc adapter sa marchandise aux désirs des clients. Les rues sont les lieux des échanges commerciaux. Tant que ces deniers se déroulent de la même manière, le réseau des rues a de fortes chances de rester stable.
Le concept de résilience, introduit en 1973, est devenu un outil conceptuel important dans les sciences environnementales, et plus récemment dans l’étude des systèmes socio-environnementaux. Mais il n’est pas aussi répandu en archéologie. Cet article introduit et explique le concept, accentue sa relation avec le paradigme des sciences de la complexité et présente un exemple de son utilisation dans l’interprétation de transformations observées sur le terrain. Son utilité en archéologie est principalement l’étude de la longue durée (siècles ou millénaires), ou les dynamiques concernées sont lentes mais persistantes. Dans de tels cas, le concept de résilience nous permet de développer une description dynamique et relationnelle de l’histoire et de l’émergence de nouveautés.
Le climat et le changement climatique sont étudiés à travers des concepts statistiques qui peuvent paraître impénétrables. Les récits scientifiques parfois hégémoniques qui les entourent peuvent aussi donner l’impression qu’ils sont l’apanage des spécialistes. Cela amène une distance épistémique, géographique et temporelle entre l’individu et les éventuelles conséquences futures du changement climatique. Pourtant, le climat a déjà changé et les communautés du monde entier en ont fait l’expérience par le biais de la météo. Cette dernière est le moyen par lequel la réalité statistique du climat est ressentie immédiatement, est resocialisée et se voit attribuer des significations et des fonctions culturelles. C’est aussi le moyen par lequel des connaissances environnementales à long terme peuvent être recueillies. Les communautés construisent des institutions sociales qui leur permettent de gérer leur relation au temps et au climat sur le long terme. Ces expériences font partie de l’identité des sociétés, de l’histoire locale et des paysages, thèmes clés, que des discussions sur le climat devraient inclure pour être améliorées. L’archéologie, avec son large public et ses exemples de résilience des sociétés sur le long terme, est potentiellement un outil efficace pour faire passer des messages sur le changement climatique. L’accent qu’elle met sur les récits locaux et sur les résultats matériels en rapport avec les expériences humaines passées permet de dépasser les discussions purement économiques entourant le changement climatique. L’archéologie fait de celui-ci une question sociale. Dans cet article, nous discutons des raisons pour lesquelles la prise en compte du temps (météorologique) doit devenir plus importante dans les récits archéologiques et nous examinons les façons dont ce temps peut être directement ou indirectement inclus dans les analyses et les interprétations archéologiques. Bien que la recherche sur le climat ait été très présente en archéologie, une attention portée explicitement au temps a été presque totalement absente. En mettant en évidence les matérialités et les pratiques passées centrées sur la côte de l’Afrique Est à Kilwa Kisiwani, nous montrons comment les expériences du temps façonnaient la vie quotidienne, l’environnement bâti et les réseaux sociaux et comment elles rendent les conséquences du changement climatique beaucoup plus tangibles. Les archéologies de la météo offrent la possibilité de faire de l’archéologie un partenaire clé dans les projets qui abordent les valeurs communautaires liées au climat et à l’environnement à travers des éléments matériels et des récits.
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