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Les pratiques actuelles de la recherche en archéologie confirment une tendance forte au regroupement des chercheurs et à la mutualisation des données imposant désormais la mise en place de plateformes communes. Ce changement des pratiques se traduit par le passage du travail en local à l’ouverture vers des bases de données partagées entre plusieurs équipes, plusieurs institutions, voire plusieurs pays. Depuis 2005, l’expérience de sept travaux réalisés au sein du laboratoire Traces (Architerre, ChasséoLab, Départ, Graph-Comp, Modelespace, Monumen, M&P) en collaboration avec des institutions partenaires françaises et étrangères (ministère de la Culture, services régionaux, CNRS, universités, organismes et entreprises de l’archéologie préventive, associations, etc.) permet d’exposer les principes de la coordination, complexe, du travail collaboratif et l’impact des choix effectués.
Chronocarto est un web-SIG développé depuis 2006 pour la représentation de données cartographiques en archéologie. Il a été conçu pour permettre un travail de réflexion en réseau entre chercheurs, non spécialistes de SIG, depuis la phase d’acquisition jusqu’à celle de l’enrichissement de documents existants en ligne. La plateforme hébergée sur le TGIR Huma-Num supporte la notion de projet associée à une communauté d’utilisateurs dont les droits sont modulables par un administrateur. La notion de copyright a été introduite aussi bien au niveau de la donnée que pour les cartes. Chaque projet est constitué d’un certain nombre de cartes éventuellement regroupées dans des dossiers différents. Les données peuvent être spatiales (fichiers images géoréférencées, fichiers vecteurs mais aussi base de donnée ou simple tableur) ou non-spatiales (fichiers de traitement de texte, images, vidéos, liens Internet). L’archivage est journalier et incrémentiel. Le statut des projets peut évoluer : ‘en projet’, ‘en cours’, ‘achevé’, ‘publiable en ligne (public)’ et ‘archivé’ (non visible mais stocké pour une durée de 30 ans minimum). Actuellement, la plateforme gère plus d’une centaine de projets et plusieurs milliers de cartes. Certaines des cartes peuvent être associées à des Atlas thématiques grâce à des mots clefs. Les Atlas permettent d’interroger des bases de données grâce à des requêtes simples (Où, Quand ? Quoi ?). Les résultats de l’interrogation sont sous forme de cartes de répartition. Chronocarto continue d’être développé en interne et son accès est libre.
Depuis une dizaine d’années, plusieurs Projets Collectifs de Recherche (PCR), résolument interdisciplinaires, ont produit un ensemble de données descriptives des principaux silex associés à leurs gîtes primaires et secondaires dans le sud et le centre de la France selon une nouvelle méthode de caractérisation des matériaux siliceux. Ces travaux sont en cours de convergence et d’harmonisation dans le cadre d’un Groupement de Recherche (GDR) soutenu par le CNRS et le Ministère de la Culture pour cinq années. Ce nouveau cadre permet à la communauté des scientifiques concernés dans divers domaines d’envisager une valorisation des données collectées depuis plusieurs années sur les géoressources lithiques, en adoptant des pratiques harmonisées aux différentes étapes du cycle de vie des données, depuis leur collecte jusqu’à leur publication en ligne, dans le respect des principes FAIR.
Dans le cadre du programme ANR Archeostraits, une cartographie de l’habitat du site archéologique de la Silla del Papa (sud de l’Espagne) a été entreprise. Elle est rendue complexe par la topographie combinant de forts dénivelés et une végétation persistante. De plus, les bâtiments de la fin de l’âge du fer sont ancrés à plusieurs niveaux dans les parois de barres rocheuses, ce qui rend inopérante une analyse architecturale traditionnelle à partir de planimétries en 2D. L’analyse 3D à plusieurs échelles, de l’environnement au sondage, demande une adaptation des outils d’acquisition 3D à cet espace. Trois technologies présentes au sein du laboratoire Traces générant des nuages de points denses ont été utilisées.
Depuis plus de 50 ans, l’université de Cologne mène des recherches dans diverses régions d’Afrique, en particulier au Sahara oriental et en Namibie. L’accent a été mis sur l’histoire environnementale et l’art rupestre, avec des projets de recherche de renommée internationale comme ACACIA (Arid Climate Adaptation and Cultural Innovation in Africa) et’Rock Paintings of the Upper Brandberg’. Les résultats de ces programmes ont été publiés en grande partie en collaboration avec l’Institut Heinrich-Barth, dont six volumineux catalogues d’art rupestre et 26 monographies sur l’archéologie africaine. La plupart des matériaux accumulés dans les projets de recherche ne sont pas d’origine numérique et sont maintenant numérisés et rendus accessibles dans les archives numériques en ligne AAArC (African Archaeology Archive Cologne). En plus d’être un dépôt pour des dizaines de milliers d’images, des documentations complètes sur les fouilles sont également accessibles. La numérisation des dépôts de l’archéologie africaine de Cologne dans le cadre du projet AAArC a débuté en 2012, en utilisant les interfaces de données DAI (Institut archéologique allemand) Arachne, DAI-Gazetteer et DAI-Zenon. Aujourd’hui, AAArC ouvre l’accès en ligne à des milliers de documents de terrain, d’images et de tracés d’art rupestre. L’interopérabilité en libre accès des métadonnées intégrées aux formats d’image est réalisée. L’exploitation de systèmes de gestion de bases de données de structure très variée dans un dépôt numérique est réalisée en collaboration avec IANUS (Research Data Centre Archaeology & Ancient Studies), une archive numérique nationale de préservation à long terme des données archéologiques. L’AAArC offre une participation à la gestion du contenu du patrimoine numérique, perpétuant ainsi la coopération de longue date de l’Archéologie africaine de Cologne avec un certain nombre de pays africains. Les archives en ligne de l’AAArC aspirent à rendre accessible en ligne l’ensemble de la documentation archéologique, et pas seulement des photos. Ainsi, l’AAArC permet en fin de compte un retour numérique des données de recherche complexes vers leur pays d’origine.
En ligne depuis 2009 et actuellement dans sa 4e version, le websig ArkeoGIS bénéficie désormais d’une longue expérience sur les problématiques d’alignement et d’interopérabilité de bases apparemment disparates. En effet, des données en provenance d’études archéologiques, (paléo-)environnementales mais aussi historiques ou actuelles sont disponibles aux professionnels via une interface sécurisée. Ce sont à ce jour plus de 75 bases qui sont consultables et interrogeables via une interface ergonomique, près de 100 000 sites et analyses sont ainsi exploitables. Un protocole unique d’import/export des extraits de base permet ensuite de rebondir vers d’autres logiciels. Dans le cadre de cette communication les freins et accélérateurs du partage des données seront mis en avant après une présentation des solutions de gouvernance choisies, en espérant pouvoir continuer de lier des projets numériques.
ArcheoFab - Archéologies du Bassin parisien (ABP). Réseau de sites et réseau d’acteurs est un programme partagé de l’UMR 7041 ArScAn. Depuis ses débuts, son objectif est la mise en commun d’informations et de savoir-faires liés à la dimension spatiale de l’information archéo-historique, au sein de l’UMR ArScAn d’abord, mais aussi vers une communauté plus large. Dans cette perspective, le programme ABP, à la différence d’une équipe ou d’un projet de recherche, n’est pas en soi producteur de résultats propres en termes de connaissances archéologiques. Le fonctionnement d’ArcheoFab est fédératif et il s’appuie sur les projets qui le constituent et qui souhaitent s’y associer librement dans l’esprit des fabriques numériques. Cette participation permet de bénéficier d’un accès à l’infrastructure gérée par ABP (données, outils et formations) et d’un accompagnement de projet personnalisé. Chaque projet garde sa propre autonomie financière et surtout scientifique. Le dialogue entre la coordination de chaque projet et les animateurs du programme permet de définir les priorités pour lancer des actions de développements méthodologiques et instrumentaux et/ou de formation, utiles à chaque projet et les plus partagées possibles. Enfin l’objectif de cette assistance à projet est de répondre aux principes du FAIR et de favoriser la mutualisation et le partage de données, de pratiques et d’outils tout en assurant la construction d’un patrimoine de données numérique le plus ouvert possible. Le présent document se propose de faire l’analyse rétrospective de cette expérience de partage sur les dernières années, de ses outils et de son mode de gouvernance et d’envisager ses perspectives d’évolution.
Créé par le réseau Frantiq (Fédération et Ressources sur l’Antiquité), initialement pour l’indexation documentaire de la littérature scientifique, PACTOLS est un réservoir unique de métadonnées thématiques réservé à l’archéologie. Le gestionnaire de thésaurus sur lequel il s’appuie, Opentheso, lui confère en outre des capacités techniques d’ouverture et d’interopérabilité qui complètent sa normalisation. De plus, l’attribution d’un identifiant pérenne à chaque concept fait de chacun un objet web, repérable et citable. PACTOLS constitue ainsi, de fait, un vocabulaire pivot qui répond aux standards du web sémantique et de la science ouverte. Il respecte les principes FAIR : il est consultable et accessible librement en ligne, il est interopérable et réutilisable. Ses caractéristiques lexicales et normatives représentent un outil au potentiel rare, proposé aujourd’hui à tous les acteurs de l’archéologie. Le projet de développement des PACTOLS, conduit dans le cadre du Consortium MASA de la Très Grande Infrastructure de Recherche Huma-Num, est destiné à offrir à la communauté des archéologues un vocabulaire de référence qui facilite le partage, sur le web, des données et des productions scientifiques en archéologie. Il s’oriente dans deux directions : il s’agit d’une part de consolider la structure sémantique qui aboutit à la réorganisation des domaines, facilitant la navigation dans le thésaurus. D’autre part, les contenus terminologiques sont enrichis, notamment par l’ajout de vocabulaires de spécialités et par l’alignement avec des vocabulaires et des programmes scientifiques du domaine, présents sur le web. La réorganisation du thésaurus se conduit en étroite collaboration avec les experts concernés. Pour cela, les modalités de contribution dynamique au thésaurus sont élargies à tous les acteurs de la discipline, sur la base de niveaux d’autorisation spécifiques. Une communauté élargie s’organise, formée et accompagnée à la prise en main partagée du thésaurus. Car PACTOLS, comme vocabulaire de référence, est préconisé dès le traitement des données de fouilles, par exemple à l’Inrap. Il est aussi associé à des programmes de valorisation des données de la recherche et intégré par plusieurs revues d’archéologie à leur production, via la chaîne de production éditoriale Métopes en XML-TEI. PACTOLS, réservoir commun pour les métadonnées en archéologie et archéoscience, constitue une brique à l’interopérabilité des données. Il s’insère aisément dans des systèmes simples de bases de données ou organisés plus puissamment avec des ontologies pour un web des données liées.
2020
Volume 20- 4
Numéro 12019
Volume 19- 3
Numéro 1 Proceedings of the session n° III-3 (CA) of the XVIII° UISPP congress, Paris, June 2018 Session III-3 (CA). Construire des référentiels partagés : Webmapping et archéologie.2018
Volume 18- 2
Numéro 12017
Volume 17- 1
Numéro 1