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Blockchain, open innovation et propriété intellectuelle


 

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Blockchain, open innovation et propriété intellectuelle

 

Editeurs invités : Patricia BAUDIER et Eric SEULLIET

 

Nombreuses sont les entreprises aujourd’hui à impliquer les consommateurs dans le processus de création de valeur (Laperche et al., 2019). Toutefois, le principe d’open innovation et de co-création soulève des problématiques liées à l’éthique, il est en effet important qu’il y ait une reconnaissance du travail effectué (Dujarier, 2014). Avec l’avènement du phénomène de co-création se pose donc le problème de la propriété intellectuelle ; le but étant de partager la valeur créée de manière équitable entre tous les acteurs. Le principe d’open innovation et de co-création soulève en effet des problèmes d’éthique, mais aussi des problèmes d’efficacité, sur deux plans :

 

- Au plan quantitatif : pour une co-création efficace, il faut pouvoir mobiliser un nombre suffisant de co-créateurs.

 

- Au plan qualitatif : la co-création nécessite que les apports créatifs des co-créateurs soient capitalisés, faute de quoi on serait condamné à perpétuellement réinventer la roue. On sait bien que la créativité et l’inventivité se nourrissent des apports diversifiés des uns et des autres. Il est donc nécessaire que ces apports créatifs s’enrichissent mutuellement en capitalisant sur la valeur créée et en s’appuyant notamment sur une recombinaison généralisée des contributions individuelles selon le principe que les idées neuves procèdent toujours d’un re-mixage d’idées anciennes. Encore faut-il permettre que des spirales de créativité puissent se mettre en place en évitant de tourner en rond sans création de valeur.

 

La blockchain à l’origine principalement utilisée dans le secteur de la finance (ex-Bitcoin) s’étend désormais à d’autres secteurs de l’industrie et tente d’apporter des solutions à d’autres problématiques que celles à la crypto-monnaie (Waldo, 2019). La blockchain favorise, en effet, les échanges au service de la collectivité, validant les apports et le travail de toutes les parties prenantes (Seulliet, 2016). Cette technologie répond au défi consistant à maximiser l’impact quantitatif et qualitatif de la co-création :

 

- Au plan quantitatif, grâce à sa nature décentralisée, la blockchain permet d’agréger une quantité illimitée de contributeurs. En favorisant également des échanges sécurisés, la blockchain constitue des environnements de confiance, ce qui est stimulant pour augmenter les échanges.

 

- Au plan qualitatif, grâce à sa fonction de traçabilité, la blockchain permet une réelle capitalisation des contributions des acteurs qu’elle rassemble.

 

Mentionnons aussi l’effet incitatif « nudge » (Thaler, 2017)1 de la blockchain : grâce à la reconnaissance des contributeurs, ceux-ci sont évidemment motivés à s’impliquer. Au-delà d’ailleurs d’une simple reconnaissance, la blockchain facilite l’instauration d’un mécanisme de rétribution grâce à un système de tokens.

 

L’enjeu majeur que permet de résoudre la blockchain est en effet celui de la répartition de la création de valeur quand tous les contributeurs peuvent être placés sur un pied d’égalité avec les entreprises du secteur public ou privé (Seulliet, 2016). Les organisations jouant un rôle de fédération et d’agrégation de contributions créatives (plateformes de type GAFA et BATX, grandes entreprises) ont une tendance évidemment naturelle à s’approprier une grande part de la valeur créée par les membres des écosystèmes qu’elles constituent : partenaires, usagers, clients. On peut même parler de captation et de prédation. La question soulevée ici est celle de la propriété intellectuelle de tous les actifs immatériels créés par tous les contributeurs. Il faut réinventer un système de propriété intellectuelle rétablissant de l’éthique et de l’équité entre entreprises de façon à corriger les asymétries liées à la taille des acteurs (exemple des relations particulièrement déséquilibrées entre grands groupes et startups).

 

Mais au-delà de la problématique interentreprises, il y a un défi encore plus important : c’est celui de la propriété intellectuelle des individus eux-mêmes (Duvaut et al., 2019). Grâce au numérique notamment, tout un chacun peut créer de la valeur immatérielle. Chaque individu devrait donc avoir des droits sur cette valeur créée et s’en faire reconnaitre la paternité (Andrieux, 2019). En réalité, un système juste consisterait à distinguer deux niveaux de valeur : une valeur revenant à la communauté dans la mesure où toute valeur créée ne peut l’être que sur la base d’un socle existant préalable (c’est un système de « communs » et de solidarité dans le partage qu’il faut réinventer) et une valeur additionnelle qui devrait récompenser les individus pour leurs efforts ou talents créatifs particuliers. Cette façon de repenser la propriété intellectuelle en l’élargissant à chaque être humain constitue un nouveau paradigme riche de promesses. Cela va stimuler la créativité et l’inventivité individuelles et collectives à un niveau extraordinaire !

 

Les études sur la blockchain semblent nous diriger vers un nouveau mode de réflexion quant à la façon dont le monde numérique s’organise (Koonce, 2016). Les articles proposés dans le cadre de cet appel à publications devront traiter des problématiques et apports de la blockchain dans le processus de co-création et de propriété intellectuelle (PI).

 

1/ Comment les entreprises peuvent-elles arbitrer entre le système actuel de PI (basé notamment sur les brevets) et un nouveau système basé sur la blockchain pour protéger et valoriser leurs actifs immatériels ?

2/ Comment les individus peuvent-ils s’emparer d’un système de valorisation de leurs propres actifs immatériels grâce à la blockchain ?

3/ Un système de PI basé sur la blockchain peut-il favoriser l’open innovation et la co-création ?

4/ Comment passer d’un système de paternité « absolue » à un modèle de paternité « relative » (valable uniquement entre parties prenantes) ou de paternité « collective » (valable pour les situations de co-partage d’actifs immatériels) grâce à la blockchain ?

5/ En quoi les perspectives de la blockchain en termes de protection de nouveaux contenus d’inventivité pourraient-elles aboutir à la création d’un nouveau titre ou statut de propriété intellectuelle : « auteurs de contenus créatifs à potentiel commercial » ?

6/ Comment la blockchain peut-elle aider à protéger et valoriser un projet d’innovation sur tout son cycle de développement : de l’étincelle créative jusqu’à sa réalisation en complément des solutions qu’offrent la PI ?

7/ Comment la blockchain permettrait-elle de construire un marché des idées / de l’intelligence inventive avec une approche inclusive ? 8/ En quoi la blockchain permettrait de créer des espaces de co-création en conformité avec les exigences de la Protection Intellectuelle de ses participants ?

9/ En quoi les solutions blockchain et DAO (Decentralized Autonomous Organization) annoncent-elles une révolution dans l’univers de la PI et des activités inventives des individus et organisations ?

 

Date limite de soumission : 30 juin 2021

Adresses de soumission :
pbaudier@em-normandie.fr et eric.seulliet@lafabriquedufutur.global

 

Consignes aux auteurs : https://www.openscience.fr/Auteurs
Lien vers la revue : https://www.openscience.fr/Technologie-et-innovation

 


Références

Andrieux, R. (2019) Blockchain : la protection idéale de vos idées.

https://medium.com/@roxanneandrx/blockchain-la-protection-id%C3%A9ale-de-vos-id%C3%A9es-46b09d21aa2d
Dujarier, A.M. (2014), Le travail du consommateur : de Mac Do à eBay : comment nous coproduisons ce que nous achetons, La découverte.
Dupont L., Mastelic J., Nyffeler N., Latrille S., Seulliet E., (2019), Living lab as a support to trust for co-creation of value : application to the consumer energy market, Journal of Innovation Economics & Management, 28(1), 53-78.
Duvaut P., Joly, L., Seulliet, E, Solani, S. (2019), Libérer la propriété intellectuelle grâce à la blockchain, Harvard Business Review. https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2019/07/27030-liberer-la-propriete-intellectuelle-grace-a-la-blockchain/

Koonce, L. (2016), The Wild distributed World : Get ready for radical infrastructure changes from Blockchain to the interplanetary file system to the internet of things, Intellectual property & Technology Law Journal, 28(10), 3-5. Laurent Dupont, Eric Seuillet, Patrick Duvaut. ValYooTrust : Plateforme de confiance et incitative pour l’innovation collaborative. Blandine Laperche, Marcos Lima, Eric Seulliet, Brigitte Trousse. Les écosystèmes d’innovation. Regards croisés des acteurs clés, (L’Harmattan), pp.291-312, 2019, Collection "l’esprit économique", 978-2-343-17437-2.(hal- 02194570)
Waldo, J. (2019), A hitchhiker’s guide to Blockchain universe, Communication of the ACM, 62(3), 38-42.
Seullier, E. (2016) Open innovation, co-création : pourquoi la blockchain est une petite révolution, Harvard Business Review. https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2016/07/11628-open-innovation-co-creation-pourquoi-la-blockchain-est-une-petite-revolution/